L’interview "Entreprendre au féminin" de Manon Montessuit, fondatrice de Nonam

Vice-Championne de France du pâté-en-croûte - un milieu traditionnellement masculin - en 2022 et fondatrice de Nonam, Manon revisite les pâtés-en-croûte de manière créative.

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Bonjour Manon. Pouvez-vous rapidement nous indiquer votre parcours scolaire et professionnel ? (avant la création de NONAM)

J’ai suivi un parcours dans le domaine de l’hôtellerie-restauration avec une licence en management hôtelier et touristique, qui m’a permis de travailler dans des établissements prestigieux, notamment à Bora-Bora, au Vietnam puis à Paris. Avant de me lancer dans l’aventure NONAM, j’ai travaillé en tant que salariée dans plusieurs entreprises, où j’ai pu développer un sens aigu du service client et des opérations en cuisine, car je passais tout mon temps libre avec les cuisiniers pour apprendre des techniques et des cuisines du monde entier. En 2021, après avoir découvert la confection du pâté-(en)-croûte lors du confinement, j’ai pris la décision radicale de me reconvertir en suivant un CAP Charcuterie-Traiteur, animée par l’envie de créer des produits de qualité et de revenir à mes racines artisanales.

 

Parlez-nous de NONAM et de son histoire ?

NONAM est né d’une passion : réinventer le pâté-(en)-croûte tout en respectant la tradition de la charcuterie fine française. Fondé en Octobre 2023, NONAM allie innovation et savoir-faire artisanal en proposant des recettes haut de gamme, au maximum locales, et de saison. L’objectif est de sublimer ce produit emblématique en lui apportant une touche moderne et engagée, que ce soit à travers des collaborations avec des producteurs locaux ou des créations inédites qui surprennent les palais les plus exigeants.

 

Pourquoi et comment vous êtes-vous lancée dans l'entrepreneuriat ? Y a-t-il eu un déclic particulier ?

J’ai su très jeune que je voulais monter mon entreprise. Adolescente, je créais déjà des objets en pâte fimo, pour les revendre à mes amis dans la cour de récré. J’avais même un cahier, que j’ai récemment retrouvé, où je notais soigneusement tous mes achats (mes charges), et mes ventes. Le réel déclic est venu lorsque je me suis retrouvée à travailler dans une entreprise où un projet pour améliorer la partie éco-friendly de l’établissement n’a pas été pris en compte, malgré des mois d’investissement personnel. J’ai compris que pour mener un projet qui avait du sens pour moi, je devais le créer moi-même. Et puis, l’idée de proposer un produit artisanal, haut de gamme et engagé correspondait parfaitement à mes valeurs. Aujourd’hui et grâce à un système d’achat sur commandes, nous n’avons aucune perte alimentaire. C’était un point essentiel pour moi quand j’ai pensé ce projet.

 

Créer votre entreprise, c’était une vocation, une obsession, une opportunité ou une nécessité ?

Je dirais que c’était une vocation et une nécessité. Je voulais donner du sens à mon travail tout en créant quelque chose qui me ressemble. L’entrepreneuriat était le seul moyen de réunir ma passion, mes valeurs, et mon envie de créer quelque chose de durable.

                                                                                                                             Yann Rossignol®

Quel fut l'avis de votre famille, de vos amis ?

Au début, certains ont été surpris : passer d’un poste stable à la création d’une entreprise artisanale semblait risqué. Mais dès qu’ils ont vu ma détermination et mes premiers produits, ils m’ont soutenue pleinement. Ma famille et mes amis proches ont été dès le départ mes premiers ambassadeurs. Sans eux, je ne serais pas là, c’est certain.

 

Comment est-ce que vous avez passé le cap concrètement ?

Le passage à l’action a été progressif. Après ma démission, j’ai suivi une formation en charcuterie au CEPROC, l’école historique des charcutiers dans le 19e arrondissement de Paris, pour maîtriser les bases techniques. Ensuite, j’ai cherché des financements, trouvé un espace pour créer mon laboratoire, et construit ma gamme de produits en me basant sur des tests et des retours clients. Chaque étape m’a rapprochée de l’ouverture de NONAM.

 

Quel a été votre investissement (temps, formation, argent) ?

L’investissement a été total. J’ai investi toutes mes économies personnelles pour suivre ma formation et l’équipement initial du laboratoire, en plus de prêts professionnels bancaires et personnels via France Active. Côté temps, je travaille sans relâche depuis le lancement. Chaque détail compte, de la sélection des matières premières à la commercialisation et au suivi client, en passant par la création puis la production de chaque création.

 

De l'envie de créer NONAM à sa création, combien de temps en tout et quelles étapes furent les plus dures ?

Entre l’idée de NONAM et son lancement, il s’est écoulé deux ans et demi. Au tout début, en Mars 2021, je voulais lancer une entreprise de plateaux apéritifs haut de gamme, avec de la charcuterie fine maison, en livraison. Puis, après mon CAP, en Juillet 2022, j’ai souhaité trouver une boutique à reprendre, car c’est ce que tous les professionnels charcutiers me conseillaient de faire. Seulement, je sentais que je n’étais pas alignée avec cette idée. Gérer un stock et avoir des pertes alimentaires me terrifiait. Finalement, après une rencontre fortuite en Mars 2023 avec des restaurateurs, j’ai souhaité créer un laboratoire pour fournir les professionnels de la restauration. J’ai trouvé le local, dans ma ville (Courbevoie, 92), la même semaine, puis après de nombreuses démarches auprès des banques et des administrations, et des mois de travaux, j’ai ouvert officiellement le laboratoire mi-octobre 2023. Les étapes les plus difficiles ont été les démarches administratives, trouver le financement, et convaincre les premiers clients, dans un secteur où je n’étais pas encore connue.

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Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?

Lancer un produit artisanal haut de gamme dans un marché assez concurrentiel n’est pas simple. Il a fallu éduquer mes clients sur la valeur de mes produits, trouver des fournisseurs locaux fiables et faire face à des préjugés dans un secteur très masculin.

 

Le fait d’être une femme a-t-il eu une quelconque influence sur votre façon d’aborder ou de mener votre projet ?

Oui, certainement. Être une femme dans un milieu traditionnellement masculin comme la charcuterie m’a poussée à être encore plus rigoureuse et déterminée. Cela m’a également donné envie de prouver que les femmes ont toute leur place dans ce secteur. C’est un point qui pourrait être vu comme « handicapant » pour un grand nombre de personnes. J’ai décidé d’en faire une force. Nous sommes très peu de femmes dans ce métier. Encore moins à avoir notre propre structure sans l’aide d’un conjoint ou d’un paternel dans le métier.

 

Avez-vous perçu des différences de traitement pendant la création de NONAM concernant votre projet selon votre sexe ?

Oui, certaines personnes étaient étonnées de voir une femme se lancer dans la charcuterie. J’ai parfois dû redoubler d’efforts pour être prise au sérieux, mais cela m’a aussi permis de me démarquer et de montrer que les femmes peuvent exceller dans ce domaine. D’ailleurs, aux premiers abords, on me prend très souvent pour une commerciale.

 

Créer sa boîte, c’est du bonheur ou du stress ?

Les deux ! C’est un bonheur immense de voir son projet prendre vie et de recevoir des retours positifs. Mais c’est aussi un stress constant, car chaque décision compte et les responsabilités sont nombreuses. Je ne parle même pas des imprévus, qui sont mon quotidien !

Comment organisez-vous votre journée ?

Je suis plutôt organisée sur la semaine. Je reçois toutes mes commandes le dimanche. Les lundis sont dédiés à l’administratif, l’organisation de la semaine, les commandes auprès de mes fournisseurs, la gestion des réseaux sociaux… Du mardi au jeudi, ce sont de longues journées de production dans le laboratoire pour préparer toutes les commandes de mes clients, qui partiront le vendredi matin. Vendredi est un jour dédié au grand ménage et au rangement, et à pas mal d’administratif et de comptabilité pour envoyer les factures et préparer les semaines à venir. Normalement, je ne travaille pas les week-ends, mais j’ai du mal à couper. Entre les réseaux sociaux, les appels des clients, la prise des commandes les dimanches… Heureusement, j’adore ce que je fais !

 

Qu’est-ce qui est le plus fun dans votre quotidien d’entrepreneure ?

La créativité ! J’adore imaginer de nouvelles recettes, expérimenter avec des saveurs, et voir mes clients découvrir mes créations avec surprise et plaisir.

 

Travailler le week-end, c’est exceptionnel ou récurrent ?

Cela devient de plus en plus exceptionnel de travailler le week-end complet. J’essaye toujours de trouver un moment pour souffler, de profiter de mes amis et de ma famille. C’est vraiment ma priorité. Bien sûr, la période dans laquelle nous entrons avec les fêtes de fin d’année sort de ce cadre !

 

Comment conciliez-vous vie privée et vie professionnelle ?

C’est un équilibre difficile à trouver pour moi, qui fais toujours les choses à 4000%, mais j’essaie de me fixer des moments off pour ma famille et mes amis. Leur soutien est essentiel pour avancer.

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Avez-vous déjà subi du sexisme en tant que femme entrepreneure ?

Oui, notamment dans le secteur de la charcuterie, où les femmes sont encore peu présentes, et bien souvent accompagnées par un conjoint ou un parent dans le métier. Mais je transforme ces obstacles en motivation pour montrer que les femmes ont leur place partout. J’ai même eu un banquier, lors de ma recherche de financements, qui m’a conseillé de « trouver un petit ami afin de diviser mon loyer par deux, et avoir un meilleur dossier ». J’ai trouvé ça terriblement déplacé et sexiste. Je ne suis pas certaine que la réflexion aurait été faite à un homme.

 

Quels mythes autour de l’entrepreneuriat faut-il déconstruire ?

Qu’il faut tout sacrifier pour réussir. L’entrepreneuriat demande des sacrifices, mais il est crucial de préserver un équilibre de vie.

 

Pour vous, « Entreprendre au féminin » a-t-il une signification particulière ?

Oui, cela signifie prouver que les femmes peuvent réussir dans tous les domaines, même les plus inattendus. C’est aussi un engagement à inspirer d’autres femmes à oser se lancer.

 

Quelles sont les femmes entrepreneurs que vous admirez/qui vous inspirent en ce moment ?

Dominique Crenn pour sa créativité, Anne-Sophie Pic pour son excellence, et Sonia Bichet pour son engagement.

 

Est-il important d’avoir des modèles ?

Evidemment, les modèles montrent que tout est possible et donnent le courage de surmonter les obstacles.

Si vous deviez donner un conseil aux femmes qui souhaiteraient se lancer dans l’entrepreneuriat, quel serait-il ?

Croyez-en vous et en votre projet. Ne laissez personne vous dire que vous ne pouvez pas réussir.

 

Que faut-il pour valoriser l'entrepreneuriat féminin ?

Plus de visibilité, des programmes de soutien dédiés, et des réseaux pour échanger et s’entraider.

 

À votre avis, quelles sont les qualités d'une bonne entrepreneure ?

La résilience, la créativité, et la capacité à s’entourer des bonnes personnes.

 

Et si c’était à refaire ?

Je le referais sans hésiter, malgré les difficultés, car c’est une aventure qui vaut tout l’or du monde.

 

Manon, pour terminer, merci de poursuivre cette phrase, « Entreprendre au féminin c’est…. »

Entreprendre au féminin, c’est réinventer les règles, ouvrir des portes, et inspirer les générations futures.

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Allez les Françaises, Allez les Français – Novembre 2024

Crédits Photos : Nonam - Art tractiv© - Yann Rossignol®

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Olivier Marone