L’interview "Parcours" de Muriel Arnal, présidente et fondatrice de l'association One Voice
Bonjour Muriel, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer brièvement votre parcours ?
Je suis Muriel Arnal, présidente et fondatrice de One Voice, association de défense des animaux et de l'environnement créée en 1995. C’est Dian Fossey qui m’a motivée à m’engager tôt pour les animaux. Et la rencontre avec un éléphant captif dans un camion de cirque quand j’avais dix ans. Chaque jour, je marchais deux kilomètres pour lui apporter du pain. Je ne savais pas comment l’aider, comment soulager sa souffrance. Son image est gravée à jamais dans mes yeux.
Quel a été le cheminement pour arriver à la création de One Voice ? Quel est son but ?
One Voice agit en France et dans le monde pour le respect de la vie sous toutes ses formes et dénonce l'exploitation animale et ses conséquences pour les individus concernés, pour la planète et pour les humains.
Cette création a-t-elle été dure ? Si oui, comment avez-vous réussi à surmonter les difficultés ?
La création n’a pas été dure, car quand on s’engage dans un combat, on sait que ce sera dur, on sait qu’on devra encaisser les attaques, les menaces. Mais quoi que l’on vive, ça ne sera jamais, jamais aussi difficile que ce que vivent les animaux. Nous sommes engagés pour eux, ils sont au centre de nos préoccupations.
Quels ont été les moments clés de votre évolution ?
J’ai passé une année entière à m’informer avant de fonder One Voice. J’ai lu les livres existants sur les problématiques et j’ai parcouru de nombreux pays à la rencontre des acteurs de notre mouvement à l’étranger. Ils sont devenus des frères et sœurs de combat, nous continuons à travailler ensemble encore aujourd’hui.
Pourquoi le nom « One Voice » ?
« One Voice » fait écho à l'unité des combats chère à Théodore Monod, parrain de l'association, et met en avant la lutte humaniste et holistique de l’association qui se bat aussi bien pour les droits humains, les droits des animaux que les droits environnementaux.
En effet, l’association revendique l’existence d’un lien entre les différentes formes de violence. À travers son action, elle tend à faire reconnaître une forme de continuité entre les violences faites aux animaux et les violences faites aux êtres humains. Le choix du lexique « One Voice », en français « Une voix », fait référence au combat commun pour le respect de la vie, qu’elle soit humaine ou animale. En ce sens, l’association est très attachée au principe de non-violence, qu’elle prône et respecte lors de ses actions.
Quelles sont vos réalisations et les actions phares de l'association One Voice ?
One Voice travaille sur différentes campagnes: l'interdiction de l’exploitation des animaux captifs pour le divertissement (cirques et delphinariums), la lutte contre l'expérimentation animale, la prise en charge de l'errance animale et son corollaire : la cruauté sur les animaux familiers, la réforme radicale de la chasse et l’interdiction des plus cruelles de ses formes : la chasse à courre, les chasses traditionnelles, la protection des animaux sauvages libres ou élevés et abattus pour leur fourrure, et bien d'autres thèmes.
Pour citer quelques actions phares :
La libération des ours « danseurs » en Inde
One Voice a mené un travail durant sept ans aux côtés de l'ONG Wildlife SOS, notamment à travers la création de la cellule anti-braconnage Forest Watch, dans le but de libérer tous les ours lippus exploités en Inde.
Une tradition propre à la communauté locale des kalandars consistait à « faire danser » un ours, une corde passée dans son museau, pour gagner de l'argent sur les lieux touristiques.
En tout, plus de 620 ours ont été libérés et placés dans notre sanctuaire à Agra. Dans le même temps, un programme de réinsertion a été proposé aux kalandars en échange de leur reconversion.
La fin des cirques avec animaux sauvages
L'objectif sur le long terme est de parvenir à une interdiction des animaux sauvages dans les cirques en France comme dans de nombreux pays européens tels que les Pays-Bas, la Finlande ou encore la Belgique.
Grâce à des signalements et à la suite d'enquêtes, nous avons réussi à révéler et dénoncer des situations de maltraitance sur les animaux utilisés dans des cirques comme des éléphants, des lions ou encore des hippopotames. Nous nous battons pour eux à travers des actions de lobbying et de sensibilisation et en engageant, aussi souvent que possible, des procédures juridiques pour les placer dans des sanctuaires.
C'est le cas par exemple de l'ours Micha, exploité dans de nombreux événements comme des fêtes médiévales ou encore loué à des cirques, que nos images et le soutien de l'opinion publique ont permis de faire sortir de la maltraitance. Malheureusement, il est récemment décédé dans le centre de soins où il avait été placé, des suites d'années de négligence.
La fin de l'expérimentation animale
Nous militons pour la promotion et la mise en place d'alternatives à l'expérimentation animale. En effet, dans de nombreux domaines, il est aujourd'hui possible de remplacer l'utilisation d'animaux. D'ailleurs, les politiques européennes vont dans ce sens. Malheureusement, la France ne respecte pas ses engagements et continue à utiliser un nombre faramineux d'animaux chaque année.
Nous avons développé le label One Voice qui permet aux consommateurs de se tourner vers des produits non testés sur les animaux et non commercialisés en Chine où les tests sont obligatoires.
Nous avons également dénoncé un élevage de chiens (beagles et golden retrievers) vendus aux laboratoires de recherche. À la suite de notre enquête, nous avons découvert que cet élevage était dans une situation d'illégalité totale, avec un dépassement de sa capacité d'accueil autorisée et des conditions de vie désastreuses pour les animaux. Grâce à une forte mobilisation citoyenne et une longue bataille juridique, nous avons réussi à faire annuler l'arrêté qui prévoyait l’agrandissement du centre. C'est pour nous une victoire décisive dans le combat contre cette industrie des animaux destinés à l'expérimentation.
Le programme Chatipi
Nous travaillons depuis plusieurs années sur le thème de l'errance animale et notamment l'errance féline en France. En 2016, on estimait le nombre de chats errants à 11 millions, soit presque autant que le nombre de chats en famille. Les causes sont notamment les abandons et surtout le fait que les chats ne soient pas systématiquement stérilisés.
C'est dans ce cadre que nous avons développé le programme Chatipi. Il vise à mettre en place une gestion de l'errance féline durable et respectueuse des animaux. Basé sur un partenariat entre One Voice, une structure d'accueil (mairie, ou une structure privée type maison de retraite) et une association locale, il permet de mettre en place une campagne de stérilisation et d'identification des chats libres et l'installation d'un chalet qui devient leur lieu de vie. Autour de ce lieu, l’objectif est de faire connaître les chats, victimes de tant de préjugés. Les faire connaître, pour les faire aimer.
Un Chatipi a été inauguré avec succès à Veix le 25 octobre 2019, et nous travaillons actuellement sur plusieurs autres projets pour l'année 2020.
Combien de membres, de bénévoles compte votre association ? Quelles sont ses ressources ?
One Voice est composée d'un bureau de quatre personnes et compte neuf salariés.
Un réseau de bénévoles présents à travers la France permet de relayer et d’organiser les campagnes.
Notre association est totalement indépendante, elle ne reçoit pas de subventions publiques. Ainsi toutes nos ressources proviennent des dons, et notre parole est libre.
Quel est votre rôle ?
J’impulse le rythme, choisis les campagnes et les combats que nous menons, je représente l’association dans les médias et auprès des autorités. Mais One Voice, c’est aussi et avant tout une équipe, hyper compétente dans ses domaines, motivée et solidaire.
Comment faites-vous pour vous faire connaître ?
Grâce à notre réseau militant très actif, nous organisons de nombreuses actions en France.
Nous développons également des campagnes de lobbying et de sensibilisation qui s'appuient sur le travail de nos enquêteurs et les rapports d'experts.
Nous défendons les animaux également sur le plan juridique, à travers différentes procédures visant à les sortir de situations de maltraitance ou d'environnements inadaptés à leur bien-être.
Le public peut suivre nos actions sur nos réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter) et sur notre site internet, sur lesquels nous sommes très actifs.
Quels sont vos ambitions et projets futurs pour One Voice ?
Simplement pouvoir continuer à changer le regard des gens, à toucher leur cœur. Qu’ils voient la beauté des animaux, ce qu’ils nous enseignent, qu’ils les comprennent et les aiment. Alors nous aurons vraiment progressé !
« La » grande qualité qu’un responsable associatif doit posséder ?
La ténacité, l’abnégation, la vision, le travail en équipe. Et puis, ne jamais se couper de ceux pour qui l’on combat : les animaux. Ne jamais s’endurcir, tout en gardant le recul indispensable à l’efficacité.
Vos plus grandes joies en tant que présidente de cette association ?
Ce combat est parfois difficile. C’est pourquoi, lorsque celui-ci est récompensé par de grandes victoires, cela est source d'une joie extraordinaire.
Quelques-unes de nos grandes victoires :
Libérer des animaux des cirques
Grâce à ses enquêtes, One Voice a démontré pour la première fois la souffrance des animaux dans les cirques, quand beaucoup croyaient à la complicité avec le dresseur. En 2000, One Voice fut la première association à avoir libéré légalement un animal d’un cirque en France, avec le sauvetage du chimpanzé Achille. Depuis, beaucoup d’autres animaux ont pu retrouver une semi-liberté, dont l’éléphante Maya, libérée en 2018 après 40 ans d’exploitation dans les cirques.
Révéler au grand public le sort des dauphins de Taiji
En 2003, nous avons révélé au monde le lien entre les massacres de dauphins chaque année à Taiji au Japon et l’industrie de la captivité des delphinariums, qui profitent de cette chasse pour capturer les plus beaux « spécimens ».
Notre travail pour l'abolition de l'expérimentation animale
Notre travail inédit avec des experts scientifiques contre l’expérimentation animale a permis la mise au point de la toxicogénomique, une alternative aux tests sur les animaux, aujourd’hui largement utilisée. Avec nos partenaires européens, nous avons obtenu l’interdiction de l’importation et de la vente des cosmétiques dont le produit ou les ingrédients ont été testés sur des animaux.
Pour la première fois, 36 macaques ont été légalement sauvés d’un laboratoire français, qui s’est engagé à ne plus utiliser de primates.
Enfin, nous avons également empêché l’implantation en France d’une grande firme américaine d’élevage de beagles et du projet européen d’élevage de primates pour les laboratoires à Holtzheim. À Holtzheim, les terrains étaient déjà achetés par le ministère de la Recherche, mais nous avons refusé de baisser les bras. Il ne faut jamais abandonner !
Vos plus grands regrets ?
Que les autorités ne suivent pas l’avis de la population concernant le bien-être et le respect des animaux. C’est un gâchis incroyable de devoir batailler contre ceux qui sont en charge de faire respecter la nature et de protéger la biodiversité pour obtenir la moindre avancée en la matière.
Ce que le monde associatif peut apporter à notre société ?
Chacun, comme le colibri qui tente, goutte d’eau après goutte d’eau, d’éteindre l’incendie, doit prendre sa part dans la société actuelle. Le tissu associatif permet cette action de chacun, et de rétablir un déséquilibre. Le problème advient quand celui-ci est contraint de se substituer à l’État, et aux autorités.
Site Internet
Réseaux Sociaux
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Allez les Françaises, Allez les Français – Décembre 2019
Photos mises en ligne avec l’accord de l’association One Voice / Didier-Pazéry
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